Préliminaires
Bonjour à tous et à chacun, et merci à tous les fabricants amateurs de kayaks et surtout à ceux qui ont publié leur travail car tout ce que j'ai découvert de vos œuvres à travers les différents blogs et sites, m'a énormément inspiré et encouragé dans ma réalisation, ainsi que dans la publication de ce blog.
Je vis actuellement sur une ile des marquises, Ua Pou (prononcer Wapow). Dès que j'y suis arrivé il y a un an et demi, j'ai été très attiré par l'océan, j'ai commencé par acheter un "kayak SOT Rotopol de fabrication polynésienne en PE, mais très vite j'ai compris que cette embarcation, malgré ses qualités, tenait plus du jouet de plage que du kayak de mer.
A force de passer mes soirée sur les sites de kayak et les blogs de constructeurs de kayak, J'ai décidé de me lancer dans la fabrication d'un kayak de mer avec comme paramètres déterminants :
- un cout minimum
- un poids réduit
- des moyens techniques sommaires
- une bonne stabilité
- une bonne conduite en mer
Paramètres de départ :
longueur : 5m
largeur : 0,54m
Hauteur : 0,34m
Poids : 15kg
Matériaux : tout polyester
mode de fabrication : stratification sur cadre bois recouvert de film étirable. (Le choix de ce mode de fabrication m'étant dicté par les conditions particulières d'approvisionnement, les tarifs élevés et les délais importants de livraison propres aux iles du pacifique).
Je n'ai rencontré aucune expérience faite sur ce mode de fabrication, c'est aussi pourquoi j'ai décidé de le tester un peu comme un défi, tout d'abord sur une maquette, puis sur la réalisation finale.
Maquette à l'échelle 1/4. (J'ai rajouté le mat et la corde parce que ça plaisait à ma compagne pour décorer le salon)
Détails de la maquette.
J'ai démarré ce projet vers le 15 janvier 2012 après quelques temps de recherches, dessins, études, documentations etc... J'ai fait plusieurs projets à l'aide de Kayakfoundry, application libre en 2D: http://www.blueheronkayaks.com/kayak/software/software.htm,
j'ai aussi essayé Freeship (qui est en 3D) :
http://www.id07.com/logiciels/science-cad-c18/freeship-2-6-h1642.html
mais Kfoundry était suffisant pour mon niveau.
Première étape : la conception
Quelques images de mon projet sur KFoundry
Image de la fenêtre de dessin
Image de la fenêtre de stabilité.
Image de la fenêtre de formes.
Puis j'ai fait les calculs de quantité, surface, poids etc...Et j'ai acheté :
- 8m2 de mat 300g/m2
- 8m2 de roving 400g/m2
- 11,4 l de résine polyester (3 gallons US)
- 4l de charge (micro-billes de verre)
- 2,5l de gel-coat blanc
- 500g de mastic polyester
- 1l d'acétone
- 2 poutrelles sapin de 700 x 14 x 4 cm
Deuxième étape : la matrice
Il ne me restait plus qu'à sortir les outils et me mettre au boulot, c'est ce que j'ai fait. Une des poutrelles me servira à fixer la matrice et l'autre, je l'ai refendu en 10 membrures de 700 x 2 x 2 cm, à l'aide d'une scie circulaire électroportative que j'ai fixé à l'envers sous une petite table. Puis j'ai façonné la poupe et la proue dans des chutes de poutrelle ensuite j'ai découpé à la scie sauteuse dans du CP de 6 mm les deux cloisons de l'habitacle, et en suivant les mesures du plan Kfoundry j'ai monté tous ces éléments sur la poutrelle.
Je te passe les détails, après une dizaine d'heures ça a donné ça.
Matrice qui servira à mouler la coque.
Détail sur les ajustements et finitions.
Je dois avouer que les gabarits que j'ai relevé d'après les plans de Kfoundry ne tombaient pas juste et j'ai du adapter, mais ça doit venir de ma méthode de relevé, qui, comme je ne pouvais pas imprimer les plans, restait aléatoire. Par la suite, j'ai usé de mon libre arbitre pour interpréter les données de Kfoundry.
Troisième étape : la coque
J'ai donc emballé tout cet attirail dans du film étirable, qu'on trouve en droguerie pour protéger les aliments. Cette première expérience du procédé m'a montré qu'il est avantageux de mettre plusieurs couches de ce matériau car d'une part les solvants contenus dans la résine ont tendance à distendre le film aux endroits où y en a moins, et d'autre part la résine arrive à s'infiltrer entre les couches pouvant se coller à la matrice.
J'ai appliqué une première couche avec le mat 300, puis une deuxième avec le roving 400. Puis J'ai préparé du mastic avec de la résine et de la charge et j'ai rectifié la surface. Je ne saurais préciser les proportions car ces micro-billes ont une densité de 0,1. Le vendeur m'avait conseillé moitié-moitié mais ça devait en poids, car en volume, c'était encore trop liquide donc j'ai rajouté de la charge jusqu'à obtenir une consistance de mastic. Voilà le résultat :
Vue de dessus.
Vue de coté.
A la fin de cette opération, j'ai perdu pas mal de temps à soigner les deux extrémités, par rapport auxquelles je ne suis pas très fier, mais avec qui j'ai beaucoup appris sur la manipulation du verre et de la résine.
Quatrième étape : Le Pont
Comme tu peux voir, je me suis fabriqué deux tréteaux car pour continuer, j'ai dû séparer la matrice de la poutrelle afin de travailler le dessus du bateau. De plus ces deux tréteaux, une fois monté sur des vieux pneus, me serviront à remiser le kayak sur la plage.
Chevron, ceinture de sécurité, colle et vis.
A ce stade je me suis rendu compte que j'aurais très bien pu construire la matrice sur une poutrelle interne et travailler sur les tréteaux depuis le début. Perte de temps en montage démontage ?. Mais bon, bref, le temps ça sert aussi à réfléchir.
Ensuite j'ai travaillé sur le pont et l'hiloire ; j'ai placé les membrures du pont, puis j'ai dessiné un gabarit en carton pour l'hiloire (40 x 75 cm), que j'ai partagé en quatre parties, découpées dans du CP de 6mm, et assemblées sur des liteaux collés, vissés, et montés sur le bateau.
Hiloire en cours de montage, gabarit, outils.
J'avoue qu'à ce stade j'ai éprouvé une grande joie qui est de commencer à découvrir enfin la forme réelle du bateau.
De face.
De coté
Et de dessus
Après quelques opérations de fignolage, ponçage, consolidation, j'ai de nouveau emballé la matrice dans du film étirable :
Puis J'ai remis la matrice dans la coque, j'ai présenté le mat afin de stratifier, et j'ai rafraichi l'excédent :
Et j'ai stratifié :
L'expérience du moulage de la coque m'a suggéré de mastiquer la première couche afin d'obtenir une meilleure finition de surface pour la 2ème, car les imperfections de la 1ère se sont amplifiées à la 2ème, et d'autre part ça me permettait d'essayer une autre variante de la méthode sans prendre vraiment de risques.J'ai donc enduit ma 2ème couche (roving) sur une surface correcte.
Ensuite j'ai découpé selon le trait noir afin de séparer le pont de la coque et pouvoir entreprendre l'aménagement intérieur.
5ème étape : l'aménagement intérieur.
- les cloisons
J'ai découpé les quatre sections correspondantes aux quatre cloisons dans du CP, je les ai habillé de film étirable, puis je les ai positionné dans la coque à leur emplacement, je les ai immobilisé avec des liteaux et des serre-joints, (voir photos).
j'ai découpé 2 fois chaque cloisons dans du mat 400, je les ai accroché au gabarits de chaque cloisons avec des pinces à linge, et j'ai enduit de résine. Quand la résine a durci, j'ai ôté les gabarits en CP, j'ai positionné mes 2èmes cloisons contre les premières dos à dos et j'ai enduit de résine.
A ce stade, j'en ai profité selon les conseils de Andy, pour renforcer la coque par l’intérieur en rajoutant des bandes de mat sur les carres qui me semblaient les plus faibles ou les plus exposées.
Une fois que ça a durci j'ai positionné le pont pour contrôler les éventuelles déformations ; j'ai noté un rétrécissement de la largeur de coque au niveau de l'habitacle (1cm).
- L'hiloire
Compte tenu des nombreuses aspersions par retour de vagues qui se produisent quand je passe près des rochers, j'ai voulu que ce kayak en soit bien protégé. C'est pourquoi j'ai dessiné dans le projet une hiloire assez haute avec une lèvre importante.
J'ai réalisé cette lèvre à l'aide d'un tuyau polyéthylène de diamètre 25mm que j'ai fixé avec des vis sur le rebord du trou, l'idée étant de stratifier la lèvre sur le tuyau, puis de retirer le tuyau.
Vue de dessus
Vue de dessous
Au démoulage.
Un petit masticage, un petit ponçage et ça sera nickel.
A tous ceux qui attendent la fin de cet article, je présente mes excuses, je n'arrive plus à envoyer quoique ce soit vers over-blog, la qualité de connexion est, en polynésie en dessous de tout ce qu'on peut imaginer et je dois composer avec, vous aurez donc la suite de l'histoire quand des conditions favorables seront réunies. Le chantier tire à sa fin et je fignole les derniers détails. A bientot j'espère, pour la conclusion.
Malgré les difficultés de connexion que nous rencontrons aux Marquises qui ont pour effet de te priver de la suite de cette aventure (surtout en images), je peux enfin t'annoncer à la date du 27/03/2012 que le chantier est terminé, que le kayak est à l'eau, et qu'il se comporte très bien. Il a eu l'occasion d'être testé par différents rameurs de pirogues et kayak et à été reconnu comme un bateau vif, précis, stable, rapide, apte à surfer, et beau. Pour ce qui est des défaut, il n'est pas très maniable, il mériterais un gouvernail, le cokpit est un peu petit, l'hiloire un peu haute et remonter à bord après déssalage est accrobatique. Pour ma part qui n'ai d'expérience en la matière que le SOT Rotopol inchavirable et insubmersible, j'ai été surpris par sa rapidité à se retourner mais il parait que c'est normal qu'on s'y fait très vite. Cependant, j'ai éprouvé des sensations de légèreté, de vitesse, de glisse extraordinaires. Il ne me reste plus qu'à l'apprivoiser pour m'y sentir en équilibre et en sécurité. Lors de l'inauguration, un projet de tour de l'ile (40 km) a été évoqué et a reçu de l'intérêt, à suivre..........
Juste un petit mot avant de reprendre.
Finalement, après avoir bien bavé sur la qualité des connexions Polynésiennes, il s'avère que c'est une panne chez over-blog qui m'a contraint, ainsi que d'autres, à suspendre le blog pour cause de dysfonctionnement pendant plus d'un mois. J'ajouterais qu'au cours de cette période pénible aucune disposition de communication avec les bloggers insatisfaits n'a été mis en place par over-blog. Je laisse chacun juge de la situation de dédain dans laquelle se trouvent ceux qui ne rapportent rien à la boite.
Bref, reprennons.
- le siège
Actuellement je navigue avec un SOT polynésien en PE dont j'apprécie le confort du siège, je me suis dit que pour faire simple, il me suffisait de prendre l'emprunte de ce siège, et de le dupliquer pour le nouveau kayak. La résine polyester n' adhérant pas sur le polyéthylène, j'ai pu le démouler aisément.
Puis j'ai retaillé et positionné cette empreinte dans le kayak, j'ai restratifié avec du roving en rajoutant un tube PVC pour faire le lien avec le plancher, quelques coup de disqueuse et voilà.
- Les renforts
Afin de pouvoir fixer à différents endroits l'accastillage, les cale-pieds, le siège, etc, j'ai rempli de mastic ou de "choucroute"(mélange de résine et de fibres de verre) des morceaux de tuyau PE que j'ai positionné sous pression aux endroits des fixations.
Avec choucroute Avec mastic
Afin de maintenir les bords bien alignés pour l'assemblage final coque-pont, j'ai collé des cales aux endroits nécessaires.
Puis j'ai tout refermé avec une bande de mat sur tout le pourtour extérieur du kayak ainsi que sur le plan de joint à l'intérieur du cockpit.
A ce stade, il ne reste plus que les finitions, J'ai donc mastiqué et poncé tout ce qui le méritait, puis j'ai passé le gel-coat, une première couche pure, enfin une seconde additionnée d'un agent de surface à la paraffine, sur toute la surface extérieure ainsi qu'à l'intérieur du cockpit.
- La déco
Bon, et ben la je me suis tout simplement fait plaisir....
- L'accastillage.
J'ai juste percé vissé monté des pièces que j'avais préparé avec des morceaux de tube PE.
Et que voilà un beau kayak tout neuf !
-Navigation
Il y a maintenant 15 jours que nous avons mis ce kayak à l'eau et je l'utilise chaque fois que possible, je l'ai essayé dans la baie, sur l'océan, au large, près des rocher, dans les vagues à surfer, par mer calme ou agitée, en petites randonnée (2h1/2), et tous les points faibles que j'ai rencontré venaient plus de mon coté que du sien. La stabilité m'a beaucoup surpris dès les premiers coups de pagaie, et à la longue je me suis rendu compte qu'avec ma précédente embarcation inchavirable je n'avais acquis aucune souplesse dans le bassin qui permette d'accompagner les flux et les courants auxquels le kayak est soumis en permanence. La hauteur de l'hiloire prévue pour être une réelle protection contre les retours de vagues est très efficace et ne présente plus de problème pour réintégrer le cockpit, il suffisait de trouver le mode d'emploi. Le "manque" de maniabilité se révèle bien pratique pour tenir un cap et les méthodes pour le manœuvrer ne manquent pas.
Donc, pour ma part j'en suis entièrement satisfait car tous les défauts que j'ai pu lui trouver au tout début se sont révélés être plus des caractères inattendus auxquels je me suis très vite habitué que des réels inconvénients, d'autant que mon expérience du kayak de mer est vraiment très maigre.
D'autre part, ce kayak ayant été testé par des rameurs d'une grande expérience, et ayant suscité auprès d'eux une réelle reconnaissance, je suis donc confiant sur ses évidentes qualités qui me promettent pour l'avenir mon lot de satisfaction.
J'espère avoir bientôt des photos en situation à te montrer, pour l'instant je n'ai que celle-là de mon pote "rasta" qui m'a accompagné tout au long de la construction.
Comme promis je peux dès lors rajouter quelques photos en situation.
Le voilà installé sur son support près de la plage.
Mise à l'eau.
En pleine action.
Les portes de l'aventure.
Je réalise soudain que je n'ai jamais abordé l'aspect financier. C'est vrai qu'ici en Polynésie tout est vite très cher ne serait-ce qu'à cause des frais de transport, car tout vient des US, d'Europe ou d'Asie.
Bref, j'ai ressorti mes factures et ça donne :
-mat 8m2 23€
-roving 8m2 46€
-résine 11,5l 119 €
-gelcoat 2,5l 44 €
-parafine 4 €
-charge 4l 18 €
-acetone 1l 10 €
-mastic 500g 12 €
-Bois 1400x14x4cm 50 €
total 326 €
-fret 12 €
-TVA 45 €
TOTAL 383 €
Voilà le bilan financier, disons 400€ avec les faux frais et les bricoles.
En ce qui concerne le temps j'ai compté 13 semaines à raison de 16 heures de travail/semaine : environ 200 h
Je ne compte pas le travail de conception ni les recherches sur les sites et forums. Voilà.